Voici une petite "cage à appelant" trouvée sur une brocante.Je l'ai repeinte d'un "gris galet" sans toucher au petit pot de terre ancien et j'ai accroché deux petit coeurs blancs pour faire un peu oublier la cruauté du passé de cette cage qui servait autrefois à la chasse. On y enfermait une grive qui "appelait" en chantant d'autres grives....
Voici deux textes sur les grives...
Quoique très différents, on y goûte avec autant de gourmandise toute la nostalgie et la poésie des souvenirs...Chaque écrivain a plongé sa plume dans la palette de mots qui lui est intimement liée.
Marcel Pagnol a les mots ensoleillés de Provence et Chateaubriand a les mots "gris-bleu" de Saint Malo....
Extrait des « Mémoires d’outre
tombe » de Chateaubriand
"Je
fus tiré de mes réflexions par le gazouillement d'une grive perchée sur la plus
haute branche d'un bouleau. A l'instant, ce son magique fit reparaître à mes
yeux le domaine paternel. J'oubliai les catastrophes dont je venais d'être le
témoin, et, transporté subitement dans le passé, je revis ces campagnes où
j'entendis si souvent siffler la grive. Quand je l'écoutais alors, j'étais
triste de même qu'aujourd'hui. Mais cette première tristesse était celle qui
naît d'un désir vague de bonheur, lorsqu'on est sans expérience ; la tristesse
que j'éprouve actuellement vient de la connaissance des choses appréciées et
jugées. Le chant de l'oiseau dans les bois de Combourg m'entretenait d'une
félicité que je croyais atteindre ; le même chant dans le parc de Montboissier
me rappelait des jours perdus à la poursuite de cette félicité insaisissable.
Je n'ai plus rien à apprendre, j'ai marché plus vite qu'un autre, et j'ai fait
le tour de la vie. Les heures fuient et m'entraînent ; je n'ai pas même la
certitude de pouvoir achever ces Mémoires. Dans combien de lieux ai-je déjà
commencé à les écrire, et dans quel lieu les finirai-je ? Combien de temps me
promènerai-je au bord des bois ? Mettons à profit le peu d'instants qui me
restent ; hâtons-nous de peindre ma jeunesse, tandis que j'y touche encore : le
navigateur, abandonnant pour jamais un rivage enchanté, écrit son journal à la
vue de la terre qui s'éloigne et qui va bientôt disparaître."
Chateaubriand
"Mémoires d'outre tombe"
Extrait
du « Château de ma mère » de Marcel Pagnol : la lettre de Lili
que l’on imagine aisément sur une feuille de cahier d’écolier avec quelques
tâches d’encre….
Chateaubriand
"Mémoires d'outre tombe"
« Ô collègue !
Je met la main à la
plume pour te dire que les grives sont pas venu cet année,Rien mé rien, même
les darenagaz sont parti, comme toi.jen n’ai pas prit deux.Les perdrots non
plus.j’y vais plus cé pas la pène.il veau bien mieux Travaillé à l’Ecole pour
apprendre l’Ortograffe autrement quoi ?c’est pas posible.même les saludes
il n’y en a guaire.elles sont peutites,les soiseaux en veut pas.Cet Malheureut,
tu en as de la chanse de pas être ici cet un Dézastre.je me langui que tu vien.alors.les
Soiseaus tant bien.et les perdrots et les Grives pour noël.En plus,il m’ont
volé douze Pièje et au moins Sinquante Grive.Je sé quicé.les plus beau Pièje.cé
celui d’Allo.le Boiteut.Rapèletoi que je m’en rapèlerai et en plusil fet
froid,avec mistralle, tous les jours à la chasse j’ai les Pieds
glassés,heureusement j’ai le Cachené.mais je me languis de toi.batistin est
contant :il prend trente grive par jour.à la Glue.avantiers.dix
orthollan.et Samedi douze saire gavotte.à la Glue.avantiers je suis été sous
tête Touge,j’ai voulu écouter la Pierre,sa m’a glassé l’oreille.èle veut plus
chanté éle fét que Pleuré.voilà les nouvèle.salut la compagnie.je t’envois une
feuille de soge pour toi et une violète pour ta mère.ton ami pour la vie lili.
Il ne
fut pas facile de déchiffrer cette écriture que l’orthographe n’éclairait guère.
Mais mon père, grand spécialiste, y parvint, après quelques tâtonnements. Il
dit ensuite :
« Il
est heureux qu’il lui reste trois ans pour préparer le certificat d’études ! »
Puis il
ajouta en regardant ma mère :
« Cet
enfant a du cœur, et une vraie délicatesse. »
Marcel
Pagnol
Le château de ma mère