mercredi 30 novembre 2011

Une page d'hiver

Une page d'hiver...
Des poires et des noisettes savoureusement accompagnées par la plume fine et gourmande de Colette....
Deux poires couleur citron


Trois noisettes sauvages





Le feu sous la cendre
La cendre, dans le plus frais de mon souvenir, c’est…comment écrire ? C’est la fleur du feu, sa blanche écume, son inséparable, son impondérable duvet,-c’est la cendre de bois-.
…Dans ce temps lointain où j’apprenais à respecter la cendre, couvrir le feu pour la nuit, réveiller le lendemain matin son ardeur capitonnée de cendres, j’apprenais aussi que la cendre de bois cuit, savoureusement, ce qu’on lui confie. La pomme, la poire, logées dans un nid de cendre chaude, en sortent ridées boucanées, mais molles sous leur peau comme un ventre de taupe, et si « bonne femme » que se fasse la pomme sur le fourneau de cuisine, elle reste loin de cette confiture enfermée sous sa robe originelle, congestionnée de saveur et qui n’a exsudé-si vous savez vous y prendre !-qu’un seul pleur de miel.
Trop chère pour nous, la truffe du Périgord cédait la place, l’hiver, à la truffe de Puisaye qui est grise, à peu près insipide et dont le parfum abuse l’ignorant. Mais grise ou noire, enfermez la truffe, brossée, dans une papillote de papier huilé, glissez-la au devant du feu, dans une taupinière de cendre très chaude. Egrenez au sommet du tumulus minuscule, de menues braises,-l’inspiration, la légèreté de main aidant, vous exhumerez, une demi-heure plus tard, des truffes pour « la croque sel ».
La betterave rouge peut profiter, après, du lit tout chaud et embaumé par la truffe. Vous l’arroserez, à peine salée, mieux poivrée, d’huile d’olive et vous l’accompagnerez d’un panache de cèleri blanc. Et le vinaigre ? Vinaigrez, si vous y tenez, mais recourez au vinaigre de vin qui est doux.
Cuite, recuite, rougie vingt fois, remuée à la pincette, vannée à la pelle, la cendre ne quittait l’âtre, dans le pays de mon enfance, que pour descendre à la cave sèche et servir de linceul aux fromages, les fromages plats et minces de l’Yonne et du Loiret, qui y passaient deux mois, trois, parfois six mois. Ils en sortaient comme d’une catastrophe pompéienne, quasi pétrifiés. Mais leur pulpe était devenue de cire transparente, jaune, d’une homogénéité singulière et d’un goût ami du vin rouge, de la noix d’hiver et de la salade de pissenlit.
Colette

1 commentaire:

ClaireB a dit…

Beau texte...
Vous êtes originaire du Loiret ou à proximité ? Comme moi !
Claire